La place du Tertre à Montmarte: cette place située sur les anciennes terres de l’abbaye de Montmarte dont elle était le coeur est cachée au sommet de la butte. Cette place fait penser à une petite ville de province, qui aux premières heures du jour ressemble encore tant au petit village qu’était Montmartre autrefois, bordée de demeures humbles et de petits commerces dont le restaurant de la Mère Catherine. Petite place pavée et accueillant les marchands ambulants sous ses rangées d’arbres, cette place est désormais célébre grace à ses peintres et caricaturistes qui tentent, par tous les moyens, d’attirer l’attention des touristes tout au long de la journée. Située à quelques mètres de la Basilique du Sacré-Coeur à une hauteur de 130 m d’altitude son nom provient du lieu dit le Tertre ou le Tartre dû à sa situation au sommet de la butte, bien que le receveur des biens de l’abbaye et sergent à cheval de Paris en 1503 se nommat Guillaume Dutertre. Cette ancienne place publique ouverte et plantée d’arbre en 1635 a été fréquentée, de la fin du 18e siècle au début de la Première Guerre mondiale, par de nombreux peintres, chansonniers et poètes. Charme et succès pour cette place qui est aujourd’hui souvent difficile à traverser, tant les touristes s’y pressent pour admirer les tableaux ou pour rejoindre la basilique du Sacré Coeur, située à proximité de la place.

Laissons Jules Claretie nous décrire la place du Tertre dans son livre La vie à Paris (1880-1910.)
J’arrive à la place du Tertre, paisible et quasi déserte avec ses maisons du temps passé et ses acacias centenaires. Qu’on y est loin, loin de Paris à une demi-heure du boulevard! Un seul détail donnera l’idée de la distance: des adolescents blêmes et maigres sont là, qui ont tendu, d’un arbre à l’autre, une corde raide, en pente, et sous l’œil d’un professeur, font des exercices d’acrobatie, sans balancier. «Doucement de l’équilibre! Bien. Ils sont trois: le maître et deux élèves. Des enfants regardent, mais non surpris, trouvant tout simple ce spectacle, fréquent sans doute, de ces saltimbanques répétant, prenant leur leçon de danse de corde sous les acacias, en plein vent! La vieille mairie de Montmartre est là, tout près, sur cette place, portant une inscription où se lit la date de sa fondation en cette antique maison qui ressemble à une ferme de village: 1790. A deux pas est l’église Saint-Pierre… Mais je regarde encore, avant d’entrer, la place du Tertre, où une poignée de dragons, en 1814, quelques centaines de cavaliers mêlés à des polytechniciens tinrent tête à des milliers de Russes escaladant la butte. Et, à cet endroit même, peut-être mille ans auparavant, le comte Eudes, le futur roi de France, avait résisté de même aux Normands avec quelques Parisiens armés.
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La commune de Montmartre voit le jour en 1790, l’Assemblée Nationale ayant décrété que serait créee une municipalité dans chaque ville, bourg ou paroisse. Au n° 3 de la place du Tertre s’installe ce qui fut la 1ère mairie de la commune. Félix Desportes (1763-1849) en fut le premier maire. Un peu plus loin au N°6 Le restaurant de la Mère Catherine est fondé en 1793, durant la révolution française. Dans ce lieu chargé d’histoire Danton venait s’y détendre avec ses disciples et y a laissé gravé sur les murs:
« Buvons et mangeons car demain nous mourrons. »
On raconte aussi qu’en 1814 (mais ce n’est qu’une légende), les cosaques de passage a Montmartre lors de l’occupation russe de Paris ( 1814-1818) après la défaite de Napoléon 1er, n’ayant pas l’autorisation de leurs officiers, venaient y boire un verre en criant « Bistro, Bistro… » ou « Vite, vite » en Russe, faisant ainsi naitre sur la Butte l’ancêtre de nos bistrots parisiens.

La place est transformée en parc d’artillerie en 1870 durant la guerre franco-prussienne, face à l’ennemi Prussien qui est proche. Le 19 mars 1871, le Général Thomas veut prendre les 171 canons entreposés sur la place. La population de la butte, la plus proche de l’ennemi prussien se sent menacé et s’oppose au départ des canons. La révolte gronde, les généraux Claude Lecomte et Clément Thomas sont fussilé non loin de là, rue des Rosiers. C’est le début de la commune. Vingt ans plus tard la place du Tertre voit le depart de l’industrie automobile française. Le 24 décembre 1898, Louis Renault gravi la Butte avec un de ses véhicules, pour prouver leur efficacité dans les côtes. Une plaque célébrant cet évènement est visible au coin nord-ouest de la place, on y lit:
« Pour la premiere fois le 25 Décembre 1898 une voiture a pétrole, pilotée par Louis Renault, son constructeur, atteignit la place du Tertre marquant ainsi le depart de l’industrie automobile française ».


PLACE DU TERTRE
Et moi, je pensais à Montmartre.
Tu te rappelles ce printemps
Qui était si beau, l’autre année?
Ces crépuscules longs et tendres
Comme le cri d’un train au nord ?
Tu sais, quand nous allions dîner
Sous les arbres, place du Tertre ?
Des jeux d’enfants, des cris d’enfants
Étaient le monde autour de nous.
Alors il suffisait d’entendre
Une voix au bout de la place;
Il suffisait même de voir
Une branche plus haut qu’un mur,
Pour se dire que le bonheur
Venait de passer quelque part,
Et qu’en se dépêchant, peut-être
On le rattraperait encore.
( Jules Romains – Le voyage des amants – 1920 )
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génial ! photos fabuleuses … et le texte de Jules CLARETIE qui fut un grand ami de ma famille !