Cette tortue géante a été péché à Concarneau le mardi 2 juin 1907. C’est le patron Le Rhin, du bateau « 1914 Dominateur du Monde » de Loctudy qui a été bien surpris en relevant ses filets. Le poids inaccoutumé des filets lui faisait croire, à lui et à son équipage, qu’un banc entier de sardines avait dû se prendre dans ses mailles. Unique en Europe, pesant 350 kilos et d’1m90 de longueur cette tortue considérée comme un phénomène ou encore comme un monstre sera par la suite transformé en un lustre électrique des plus décoratif visible au restaurant C. Chartier, 21 rue du Pont-Neuf à Paris et fera courir tout Paris.
La tortue dont l’écaille était de toute beauté, a été achetée pour la somme modique de 25 francs par M. Le Marié, mareyeur, qui l’a embarquée bien vivante en wagon, a destination de Paris. La tortue, reçue aux halles de Paris par les mandataires de M. Le Marié, Messieurs Montier, Dupré et de Courcelles, a ensuite été exposée. Pour la voir il se fit foule car depuis trente ans, c’est la première fois que les habitués des halles pouvaient admirer une pareille tortue. Voici ce que nous rapporte le Journal le Matin du 4 juillet 1907 sur son arrivée dans la capitale:
La Reine des Halles fut hier une tortue de 340 kilos.
« La voilà sur le dos, inerte et monstrueuse. Elle fut, en effet, hier, la reine des Halles, cette tortue de mer gigantesque qui nous arrivait, on ne sait pourquoi, des Antilles, via Concarneau! Sans doute, elle avait moins de grâce que les gentilles souveraines de mi-carème, mais, autant que ces dernières, elle eut un très grand succès de curiosité. Elle le méritait. Des reines de carnaval, aussi pimpantes qu’elles puissent être, ça se voit tous les ans, et ça se remplace. Un diadème sans importance est vite posé sur un chignon que soutient le peigne en écaille. Mais quelle écaille, hier matin, pavillon 12, aux Halles chez MM. Moutier, Doué et Decourcelle. Une écaille qui, avec son contenu vivant pesait 340 kilos Et cette magnifique tortue, d’une longueur de 1 m. 50, n’ayant pas de cheveux, ne s’était pas fabriqué de peigne avec son écaille. Elle était d’une très grande simplicité. Vous dirai-je, tout de suite, qu’elle provoqua la plus vive sensation! Il y eut cinq mille personnes qui se précipitèrent pour l’admirer. Il fallut même un service d’ordre, et les agents durent requérir six hommes robustes pour la porter au pavillon aux huîtres et la soustraire, toutes grilles fermées, à la curiosité de la foule. On avait ainsi prévenu des naturalistes. Le Muséum du Jardin des Plantes avait été averti. Il envoya M. Bruyère. Et M. Bruyère, n’ayant pas d argent, fit triste figure quand il fallut disputer la colossale tortue aux directeurs des premières maisons d’alimentation de Paris. Le dompteur Pezon, lui-même. était accouru, mais il arriva trop tard. Les enchères furent émouvantes, cependant que la tortue des Antilles, écœurée de tout ce marchandage, se voilait pudiquement la tête dans sa carapace.
Cent francs! Deux cents! Deux cent-cinquante! Trois cents! Une pause puis « Quatre cents franc ! Et c’est à ce prix, beaucoup trop élevé pour notre Muséum qui, comme on le sait, n’a pas le sou c’est à ce prix que la grande tortue, jetée sur les côtes de Bretagne par on ne sait quel cataclysme sous-marin, fut adjugée, à dix heures. Huit hommes suèrent pour la charger dans la voiture d’une maison d’épicerie de la rue de La-Boetie, à l’angle de la rue de Courcelles. Quelle sera maintenant sa destinée! Encore une royauté éphémère! »
On sait maintenant ce qu’il est advenu de cette reine des Halles de Paris. Ce magnifique chélonien fut finalement vendue pour le prix de 400 francs au magasin « Aux Quatre Saisons » de la rue de la Boetie puis naturalisé par le taxidermiste M. E. Boubée, 3 place Saint-André-des-arts pour finir ensuite au plafond d’un restaurant comme élément décoratif. Quelques années plus tard une autre tortue géante viendra dans la capitale. Celle-ci restera bien vivante. Cette tortue avait pour nom Kiki. Kiki élira domicile au Muséum d’histoire naturelle installé dans le bâtiment reptiles de la ménagerie construit en 1870. Offerte en 1923 par un érudit et naturaliste mauricien, M. Carrié, Kiki la tortue géante coulera à Paris des jours heureux. Les tortues géantes des Seychelles étaient et sont toujours des proies faciles car très grandes et lentes. Chassées pour servir de stock de nourriture sur les navires ( excellent remède contre le Scorbut ) elles ont frôlé l’extinction en 1840. La tortue des Seychelles reste une espèce menacée et ne doit aujourd’hui sa survie qu’à la protection totale dont elle bénéficie. Kiki, la tortue géante du Jardin des Plantes est morte en 2009, à l’âge respectable de…146 ans!
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Bonjour,
J’ai plusieurs cartes postales concernant cette tortue à Paris.
Où avez-vous trouvé cette information?
Cordialement,
Ron